Au Japon, la révolution capillaire du baseball lycéen

LETTRE DE TOKYO

Finie la boule à zéro ! En quête d’un regain de popularité, le très conservateur baseball lycéen japonais s’est résolu à lâcher du lest sur cette tradition. Mercredi 23 août, l’équipe du lycée Keio de Yokohama (sud de Tokyo) a battu (8-2) celle du lycée Ikuei de Sendai (nord-est du Japon) en finale du championnat national d’été, le Koshien. Outre des plans de jeu différents, les deux formations se sont distinguées par des règles capillaires opposées : la première avait donné à ses joueurs la liberté de laisser pousser leurs cheveux, la seconde avait maintenu la tradition de la très militaire boule à zéro.

Cela n’a l’air de rien mais voir en finale de jeunes joueurs avec des cheveux constitue une révolution tant le Koshien, qui oppose deux fois par an les meilleures équipes des 47 départements du Japon, demeure engoncé dans ses traditions : la prestation de serment du premier jour du tournoi, l’habitude des joueurs de ramasser un peu de terre sur l’aire de jeu – qu’ils garderont en souvenir ou offriront à ceux qui les ont soutenus –, la sirène qui retentit au début de chaque match, les tenues rétro et donc la boule à zéro.

Le Koshien, antichambre du professionnalisme, passage obligé des futurs grands joueurs – le dernier en date étant Shohei Ohtani, qui évolue chez les Angels de Los Angeles, en Major League américaine – , est un évènement toujours très suivi, retransmis en direct à la télévision. « Un été à ne jamais revivre est un été sans le bruit de la batte frappant la balle et les encouragements des fans dans les tribunes », pouvait-on lire en 2018 dans le quotidien Asahi, à l’origine de ce tournoi en 1915.

« Un outil d’éducation »

Le baseball a été introduit dans l’archipel par des enseignants américains en visite au début de la période d’ouverture de l’ère Meiji (1868-1912). Appelé yakyu, il devint le premier sport d’équipe pratiqué au Japon, se faisant une place aux côtés des disciplines traditionnelles comme le kendo ou le sumo.

« Le baseball amateur fait partie de notre patrimoine sportif. Il a été un outil d’éducation utilisé pour inculquer la discipline, le travail d’équipe et l’esprit de combat aux étudiants », souligne Masaru Ikei, professeur à l’université Keio et expert du yakyu. Un point confirmé par Suishu Tobita, ancien entraîneur de baseball à l’université Waseda : « Le baseball au lycée est une éducation du cœur, le terrain est une salle de classe de la pureté, un gymnase de la moralité. »

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En découle une discipline de fer, avec des entraînements quotidiens de 15 h 30 à 18 heures – sauf pendant les trois journées de célébration du Nouvel An – et une obligation à l’humilité ainsi qu’au don de soi pour l’équipe. Ichiro Suzuki, l’un des plus grands joueurs japonais de tous les temps, a fait la lessive et cuisiné le riz pour son équipe pendant sa première année de lycée. Dans ce contexte, se raser la tête, un rite d’initiation, était devenu la norme.

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