« La visite de Charles III est le signe que Londres souhaite renforcer le lien avec la France »

On n’est jamais sûr de rien, mais le roi Charles III semble sur le point d’effectuer enfin sa visite d’Etat en France. Le séjour prévu à l’origine en mars, et qui devait être la première sortie à l’étranger du souverain depuis son accession au trône, en septembre 2022, avait dû être reporté en raison des manifestations contre la réforme des retraites. Même si les manifestants ne visaient pas le roi, mais « M. le président », les « événements » fleuraient un peu trop peut-être la Révolution pour une tête couronnée.

Aujourd’hui, le climat semble plus calme, et ce voyage d’Etat va pouvoir avoir lieu. La France ne sera donc pas la première visite officielle de Charles, mais la troisième, après l’Allemagne en mars et, en juin, la Roumanie. Il sera reçu en grande pompe : dîner d’Etat avec le président Macron, dépôt de gerbe à l’Arc de triomphe, discours à l’Assemblée nationale – une première pour un monarque britannique – et visite d’un vignoble bio à Bordeaux.

Officiellement, la visite a pour objet de célébrer l’histoire, la culture et les valeurs que les deux pays ont en partage, et de regarder vers l’avenir, forts de notre collaboration sur des sujets comme la crise climatique et la guerre en Ukraine. Nul doute qu’il faut tendre des ponts symboliques au-dessus de la Manche, tant nos deux derniers calamiteux premiers ministres, Boris Johnson et Liz Truss, avaient fait le choix de raviver de vieux contentieux en tournant en dérision nos plus proches voisins. Certes, c’est là une antique tradition entre nos deux pays, mais elle est parfaitement contre-productive.

Rester au-dessus

« Brexit » est un gros mot qui ne devrait pas être prononcé, notamment en raison du protocole et des conventions attachées à une monarchie affichant sa neutralité politique. C’est aussi que les relations entre les deux gouvernements semblent s’être apaisées ces derniers mois. Les visites officielles relevant d’une décision non du souverain lui-même mais du gouvernement, il faut y voir un signe de la volonté de Londres de renforcer le lien avec la France. Quoique d’un commerce plus facile que ses prédécesseurs, Rishi Sunak considère toujours que la sortie de l’Union européenne (UE) a été une bonne chose, même si de nombreux indicateurs montrent les ravages et les fractures économiques, sociales et politiques qu’a causés le Brexit. Dans les sondages d’opinion, la majorité des Britanniques disent aujourd’hui regretter d’avoir quitté l’Europe.

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La principale polémique politique de l’été au Royaume-Uni aura porté sur les traversées de la Manche par des candidats à l’immigration, et sur les gesticulations de l’ambitieuse et intransigeante ministre de l’intérieur, Suella Braverman, pour y mettre fin. Cette promesse de mettre un terme aux traversées illégales est d’ailleurs un engagement de M. Sunak. C’est faire bien peu de cas de la coopération française, dans la mesure où la France enregistre des flux migratoires bien plus élevés que la Grande-Bretagne, et que son littoral sur la Manche est infiniment plus long et difficile à surveiller, que le nôtre. C’est aussi oublier que notre sortie de l’UE a compliqué le travail de coopération, sans parler des effets de la rhétorique très droitière de certains conservateurs britanniques. Des partisans farouches du Brexit qui somment la France de coopérer davantage, quelle blague !

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