Nouvelle donne pour le processus d’intégration des Balkans occidentaux à l’Union européenne

Chaque année, fin août, la petite Slovénie, qui fait figure de modèle parmi les anciens membres de l’ex-Yougoslavie avec sa santé économique insolente et son adhésion à l’Union européenne (UE) obtenue dès 2004, a pris l’habitude de réunir les dirigeants et les experts de la région pour le Forum stratégique de Bled. Bordée d’un magnifique lac, cette ville au pied des Alpes est devenue le réceptacle des complaintes sans lendemain sur l’impasse du processus d’élargissement de l’Union aux pays des Balkans occidentaux. Mais, en cet été 2023, Charles Michel, le président du Conseil européen, est venu avec une bonne nouvelle. Constatant que la guerre en Ukraine « a de lourdes conséquences pour l’avenir de notre continent », il a affirmé que l’UE « doit renforcer ses liens et devenir plus puissante ». « C’est pourquoi le temps est venu de relever le défi de l’élargissement », a-t-il ajouté, en précisant : « Je pense que nous devons être prêts, de part et d’autre, à un élargissement d’ici à 2030. »

Une date. Beaucoup n’osaient plus y croire. Satisfaits, mais prudents, les chefs de gouvernement des six pays candidats des Balkans n’ont pas caché en retour leur crainte que cette échéance soit surtout destinée à satisfaire le dernier arrivé des candidats à l’UE, déjà propulsé en tête de la liste : l’Ukraine. Depuis l’invasion russe, en février 2022, Kiev brûle les étapes. Reconnue « candidate » dix mois plus tard, elle pourrait commencer les négociations dès la fin 2023 en bénéficiant d’un soutien politique inédit au sein de l’UE.

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Cet entrain, les Balkans l’ont, eux, perdu depuis bien longtemps, au fil de l’étirement de leur interminable processus d’adhésion : la Macédoine du Nord est officiellement « candidate » depuis 2005, le Monténégro depuis 2010, la Serbie depuis 2012 et l’Albanie depuis 2014. La Bosnie a péniblement décroché ce statut fin 2022, après une demande déposée en 2016. Quant au Kosovo, il ne sait même pas s’il parviendra à l’obtenir un jour, en raison du refus persistant de la Serbie et de cinq pays membres de l’UE (l’Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre) de reconnaître son indépendance.

Avec le sens de l’humour et de la formule qui le caractérise, le premier ministre albanais, Edi Rama, s’est demandé à la tribune, à Bled : « Qui devrait attaquer qui, entre nous, pour obtenir l’adhésion plus vite que l’Ukraine ? » En référence aux nombreux conflits identitaires qui minent la région, il a avancé que « la Bulgarie pourrait facilement attaquer la Macédoine du Nord ; la Croatie pourrait facilement attaquer la Serbie ; la Serbie pourrait attaquer le Kosovo ; la Bosnie pourrait s’attaquer elle-même sans problème. Je suis sûr que si l’on demande aux Grecs de nous attaquer [les Albanais], ils le feraient avec plaisir. Et le Monténégro pourrait jouer le mort sur la plage. Et, ainsi, nous serions tous prêts à monter dans le train avec l’Ukraine ».

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