A la marche pour la paix, des people et des anonymes unis dans le silence

Quai des Célestins, dans la marche pour la paix, partie à 14 h 30 de l’Institut du monde arabe pour rejoindre Les Arts et métiers en passant par le Mémorial de la Shoah et le Musée d’art et d’histoire du judaïsme, Vassili Kolblen, 23 ans, chéchia blanche et habit traditionnel blanc, résume : « Je suis musulman, et je suis là comme tout le monde, parce que je suis dépassé. Des innocents se font attaquer injustement, ce n’est pas comme ça qu’on va établir de la concorde. Alors on répond au vacarme par la tranquillité. Je suis musulman, j’ai des ancêtres juifs, ma grand-mère est catholique alsacienne, elle écoute des types à droite comme pas possible et pourtant je l’aime, c’est ma grand-mère. Dans la famille, on parle. » Myriam, 60 ans, à côté de lui l’écoute avec attention et curiosité. « On est tous juifs au départ, les chrétiens, les musul… » Vassili l’interrompt gentiment : « Je ne dirais pas ça, je dirais : “on est tous humains”. »

C’est à ces petits instants qu’on se dit que l’actrice Lubna Azabal n’a pas perdu son temps en appelant à cette manifestation, silencieuse, sans slogan, sans pancarte, sans mot d’ordre, barrée d’une seule banderole blanche, qui a réuni dimanche 19 novembre à Paris entre 15 000 et 20 000 personnes selon la police. Le 7 octobre, l’actrice belge, d’origine marocaine, s’est réveillée avec effroi, devant la violence meurtrière du raid du Hamas qui a fait 1 200 victimes – la plupart civiles – en Israël. Depuis, le monde chavire. « J’avais besoin d’un silence qui répondrait à tout ce bruit sur les réseaux sociaux, ces gens qui s’invectivent et se déchirent, disait-elle avant la manifestation. Le bruit de ce monde qui s’est transformé en hôpital psychiatrique m’étouffait. Un silence qui est aussi celui du recueillement. Des gens continuent de mourir. Le silence de la communion de tous, qu’importe leur confession, leur croyance ou leur origine. Moi-même, je viens d’une famille musulmane pratiquante. Quand elle a vu les images des actes antisémites, ma mère m’a dit : “tu vas voir, aujourd’hui ce sont les maisons des juifs qui sont taguées, demain ce seront les nôtres. Il y a dans l’air des remugles malsains des années 1930 qui remontent.” »

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Faire entendre la voix de l’union

Alors la comédienne a appelé le dramaturge Wajdi Mouawad, d’origine libanaise et directeur du théâtre de la Colline à Paris, ils ont réuni autour d’eux un petit comité (les actrices Julie Gayet et Clémentine Célarié, la scénariste Baya Kasmi, le réalisateur Vito Ferreri…) et ont écrit cet appel à manifester où chaque mot a été pesé : « … A cette injonction de choisir un camp à détester, il est urgent de faire entendre une autre voix : celle de l’“union”. (…) Urgent que cette voix-là se mette en marche et retisse maille à maille les tissus déchirés de nos rues. »

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